Les mains dans la terre, un retour à l'objet.

Petit guide pratique d’une apprentie céramiste.

Hello :), dans ce billet blog je voulais vous partager mon expérience de nouvelle céramiste. La première partie (que j’ai essayé de faire courte..) vous introduit comment je suis passée de l’illustration à la céramique, dans la deuxième partie je vous donne tous les conseils, astuces, références, liens qui m’on été et me sont encore utiles !

Vous ne le savez sûrement pas mais j’ai étudié pendant 5 ans le design d’objet et d’espace à l’ESAD de Reims. En sortant de mes études en 2017 je n’avais qu’une seule envie dessiner, illustrer, raconter. Ma dernière année a préparer mon projet de diplôme a été magique mais pour la suite le design d’objet me réservait des heures de 3D derrière mon ordinateur (c’est en tout cas ce que j’imaginais). Dessiner sur mon mini bureau de mes 35m2 parisien m’est alors apparu comme la plus grande des libertés. J’ai donc mis de coté l’objet pour me concentrer sur l’illustration. Un milieu que je ne connaissais pas du tout et dans lequel je n’avais aucun contact, mais qui me faisait rêver.

3ans plus tard, je déménage en Bretagne dans une grande maison. J’ai de l’espace ici. De l’espace pour penser, de l’espace physique, de l’espace pour rêver, un espace au calme, le temps est au présent, pas la peine de courir pour un café ou son métro. J’ai alors l’impression de vraiment pouvoir commencer à chercher qui je suis en tant qu’artiste, et qu’est ce que j’ai envie de faire, de partager et de raconter.

En février 2021, mon amie Aurore (avec qui j’ai fait mes études à Reims) vient passer un weekend sous la neige bretonne. Dehors tout est gelé et le soleil se couche à 17h. Pendant le premier confinement que j’ai passé en Bretagne chez ma mère, j’avais commandé 10kg de terre. Je n’y ai pas touché, il faut croire que ça n’était pas encore le moment. Aurore elle a beaucoup fabriqué de pièces pendant le confinement dans son appartement et je trouve ça génial ! Il est 17h, je demande à Aurore “tu pourrais me montrer ? comment on fait ?, mais oui !”. On a de la terre, un kit d’outils (commandé avec la terre en avril 2020) nos mains et de l’eau, donc c’est parti ! Février 2021 je fabrique mon premier bol et ma première assiette pincées. (mille MERCIS Aurore :)). C’est assez grisant de partir d’un bloc de terre et de modeler un objet du quotidien. Je sens que le fait d’avoir travaillé en volume me fait beaucoup de bien. Par la suite je vais me rendre compte que dans une premier temps c’est vraiment modeler que j’aime, encore plus que d’imaginer des dessins sur ces objets, mais revenons au cheminement.

Je laisse mon bloc de terre de côté mais ça se bouscule dans ma tête, j’ai adoré modeler, j’ai adoré fabriquer un objet, se dire qu’on peut (presque) tout faire, c’est MAGIQUE ! Je me met à la recherche de cours dans ma ville, mais c’est encore la période du pass vaccinal et l’aventure est compliquée. Je finis par trouver des cours à la carte avec Xénia, une potière franco-allemande d’une gentillesse folle. Je prends 2 cours avec elle et je réalise ma première pièce qui sera émaillée, ce petit soleil. Bon, 2 cours me suffisent à me dire que j’aimerais vraiment pouvoir faire ça chez moi. Je n’ai pas de four encore mais je peux modeler chez moi au moins.

Et les choses se bousculent plus vite que je ne le pensais. 24 juillet 2021, mon amoureux, mes amis et ma famille m’offre un four pour mon anniversaire ! Il est tout petit, vraiment mignon et il va m’ouvrir un véritable champ des possibles. De part sa taille je n’ai pas peur de rater..enfin un peu quand même, mais disons que c’est beaucoup moins engageant qu’un four de 100L. Je peux alors vraiment me lancer chez moi, seulement j’ai tout à apprendre, car modeler une pièce ne suffit pas. J’ai un immense tas de questions : quelle terre dois-je utiliser ? comment sèche-t-elle ? combien de temps et où ? quand est-ce que je la peins ? avec quoi ? l’émail qu’est-ce ? comment cela se pose-t-il ? les pièces qui craquent pourquoi ? l’émail qui n’adhère pas pourquoi ? hihi cela fait beaucoup ! J’ai passé beaucoup de temps et je passe encore du temps à faire des recherches, à lire, à regarder des vidéos et puis surtout à expérimenter. C’est de tout cela que j’aimerais vous faire part dans la deuxième partie qui suit. J’ai essayé de tout regrouper dans un seul billet : toutes les ressources qui m’ont aidées et mes expériences ratés et/ou réussie (quand même :))! N’hésitez vraiment pas à me poser des questions si vous ne trouver pas les réponses, en commentaire ou bien via Instagram, je serai ravie de partager mon petit savoir.

Avant de passer à la deuxième partie quelques photos de mes pièces car la meilleure récompense pour moi reste d’utiliser au quotidien les objets que j’ai fait et de vous voir vous en emparer dans le votre !

Oui l’expérience seule ne suffit pas :), j’ai pris au total 4 cours avec une potière et il y a beaucoup de choses que j’ai cherchée seule, sur internet (une vraie mine d’or !).

  • La terre : Je travaille avec de la Faïence, c’est la seule terre qui reste poreuse après cuisson mais surtout elle cuit en cuisson dite “de basse température” c’est à dire autour de 1000°C (contrainte de mon four qui ne monte pas au dessus de 1050°C). La faïence est aussi réputée pour être plus “facile” à travailler. Elle est considéré comme une terre relativement fragile et donc plus sensible au choc une fois cuite. Les deux autres terre que vous pouvez trouver sont le Grès et la Porcelaine, ce sont des terres dites de “haute température” et qui se vitrifient à la cuisson (elles ne sont donc plus du tout poreuse), elles sont plus solides et plus denses. Vous pouvez consulter cet article si vous voulez en savoir plus.

    Je travaille pour ma part avec la faïence JASMIN LISSE de chez SOLARGIL, après en avoir testé plusieurs c’est celle qui me convient le mieux pour le moment.

  • Le four : j’ai longtemps cherché comment cuir mes pièces en dehors de chez moi avant d’avoir mon petit four mais je me suis un peu cassé le nez, la plupart des potiers sont un peu frileux à l’idée que l’on glisse quelques pièces dans leur four (pour des raisons justifiées car on ne sait jamais ce qu’il peut arriver). Mais pour des raisons de logistique aussi cela complique les choses si on travaille de chez soi et qu’on doit transporter des pièces crues et donc très très fragiles. Dans les grandes villes, la céramique est à la mode et je crois il est facile de trouver des ateliers partagés dans lesquels vous pouvez travailler et faire cuire vos pièces par les soins des personnes qui gèrent le lieu (je pense à Clay atelier par exemple).

    Mon petit four se nomme Hobby Junior Blueline. Les avantages : il se branche sur une prise secteur (1250 W / 230 V mono) et consomme peu d’électricité. Il possède un programmateur avec 8 rampes, 8 programmes et 8 paliers, ce qui est vraiment important pour une cuisson optimale (cad qu’il n’y a pas besoin de commandes manuelles pour la montée et la descente en température). Sa taille intérieure : 230x230x185mm est un avantage et un inconvénient : c’est génial pour faire des tests cela devient contraignant lorsque l’on commence à produire beaucoup. Sa taille limite aussi les dimensions maximales de pièces que l’on peut y cuire.

    Je n’ai aucun regret d’avoir commencé avec ce four car il m’a offert la liberté d’oser me lancer seule, et ça ça n’a pas de prix. J’envisage tout bientôt d’investir dans un plus grand four, ma productions pour Noël me fait prendre conscience qu’il serait temps d’agrandir tout ça !

  • La cuisson : ou plutôt les cuissons, car même si il existe des cuissons dite mono-cuisson (c’est un autre sujet que je ne connais pas du tout !), la plupart du temps une pièces nécessite deux cuissons. La première pour passer de la terre CRU au BISCUIT, elle se fait autour des 1000°C et la deuxième pour passer du biscuit à une pièce émaillée et utilisable en alimentaire par exemple, elle se fait autour des 980°C.

    J’ai passé pas mal de temps à chercher les bons programmes voilà ce que j’applique à l’heure actuelle avec mon petit four. Notez bien que chaque four a ces propres caractéristiques, là encore il est nécessaire de tester et de nuancer en fonction des résultats obtenus.

  • Le modelage : il y a des chaines youtube qui explique bien mieux que moi comment réaliser un bol pincé, ou une tasse à la plaque ou toutes autres techniques, voilà mes préférées :

    • ONDO STUDIO , un studio de céramique coréen, leurs vidéos sont sans paroles, les gestes sont précis, doux et vraiment bien filmés, j’aime vraiment beaucoup leur chaine youtube, je crois que je pourrais regarder leurs vidéos juste pour me détendre.

    • MAE CERAMICS, une jeune anglaise, qui livre des vidéos drôles, pleines d’astuces et de conseils, c’est bienveillant, elle partage sans concession son expérience et son travail. (beaucoup de conseils sur le tournage).

    • LE BOL POTERIE, une chaine youtube créée par Sarah (il y aussi un blog associé), super riche en petits conseils sur des sujets précis, elle organise aussi régulièrement des interviews de céramistes variés et des Cafépot’ en live et en replay, une discussion autour d’un sujet avec généralement 3 invités céramistes, c’est génial d’avoir ce temps d’échange et ces témoignages. Sarah propose aussi des formations en ligne dont une gratuite sur les BASES DE LA POTERIE, que je recommande vivement !

Il y aussi 1 livre que je recommande que j’ai trouvé vraiment bien fait, je l’ai acheté sur Vinted l’année dernière : La poterie sans tour” de Jacqui Atkin.

  • Les formes : mon conseil avoir un carnet de dessin dédié à ce que vous aimeriez faire, tout est possible c’est ça la magie de la terre, évidemment il faut de la technique mais essayer, rater et comprendre où on a merdé c’est un apprentissage tellement riche et excitant ! N’hésitez pas à vous lancer petit à petit dans des pièces compliquées, la satisfaction de voir son objet finit est immense. Pour ma part c’est cette petite théière réalisée pour une amie qui est pour le moment la pièces la plus technique que j’ai réalisée :

  • Le décor, les engobes : un VRAI sujet (hihi) pas évident de trouver les engobes qui matchent bien avec la terre, qui ont le rendus que l’on souhaite. Les engobes ce sont des pigments mélangés à de la terre, attention elles(ils ?) doivent être sans PLOMB si l’usage des pièces est alimentaire. Pour le moment j’utilise des engobes liquides prêtes à l’emploi que je mélange si je souhaite obtenir de nouvelles couleurs. J’ai commencé avec les engobes Duncan, qui sont supers mais je crois que c’est devenu compliqué d’en trouver aujourd’hui. La rolls des engobes liquides est pour moi les VELVET AMACO (une marque américaines). Une matière velouté, des couleurs vraiment belles et pas de problème à l’émaillage. Aussi il faut des pinceaux de toutes tailles, plutôt durs, j’utilise beaucoup des très fin 0 ou 0/3. Je peins sur mes pièces lorsqu’elles sont crues, j’ai essayé sur les biscuits (après la première cuisson, cf l’encart cuisson) mais j’ai eu beaucoup de mal à émailler correctement par la suite. J’utilise une petite pique en métal, pour venir gratter l’engobe aux endroits où je souhaite avoir des motifs.

  • L’émail… aïe aïe, c’est vraiment pas la partie la plus évidente, et oui car plein de choses peuvent faire que ce soit raté ! J’en ai testé 3 je crois avant de trouver celui qui convenait bien à ma terre. Faite bien attention au coefficient de dilatation indiqué sur votre terre, il doit correspondre à celui de l’email que vous choisissez si vous voulez obtenir un émaillage réussi ! “On dit que le coefficient de dilatation thermique de l’émail doit être égal ou légèrement inférieur à celui du tesson, jusqu’à 15%.Par exemple, une terre qui a un coefficient de dilatation thermique de 60 * 10-7 supportera un émail ayant un coefficient de dilatation thermique entre 60 * 10-7 et 51 * 10-7. ” J’ai lu et relu cet article pour bien comprendre de quoi il s’agissait.

    • J’utilise donc la couvert transparente PR 500 de chez SOLARGIL. J’ai investi dans un grand seau de 10L afin de pouvoir tremper mes pièces directement. Elle arrive en poudre et il faut la diluer avec de l’eau, attention ici à avoir la bonne densité d’émail. Je vous renvoie encore sur le site du bol pour un article très clair sur ce sujet. Le choix du très grand seau, me permet vraiment d’être à l’aise pour émailler. Il existe évidemment d’autres techniques pour émailler, mais je ne suis pas du tout une experte, je vous laisse faire vos recherches si cela vous intéresse.

    • J’ai commencé avec une pince à émailler mais je trouve ça vraiment pas très pratique, j’ai découvert grâce à Super Ceramics des petits outils que l’on glisse sur se doigts, génial pour pouvoir tremper les pièces avec dextérité. Vous pouvez en commander en écrivant directement à Uta Koloczek qui les fabriquent et le vends via sa page Instagram Manufactory_Berlin .

    • Enfin pour ce qui est du temps de trempage, qui définit la couche d’émail qui va se poser je laisse mes pièces 5/6 secondes, ce qui est assez longtemps j’ai l’impression par rapport à toutes les vidéos que je vois, mais bon ça fonctionne comme ça de mon coté. Et aussi je ne les secoue pas (plus) dans l’émail, je ne sais pas pourquoi au début je pensais que c’était plus efficace pour que l’émail se mette bien partout, (mais en fait pas du tout haha), c’est bien mieux si la pièce est immobile dans le liquide.

    • Pour ce qui est du geste, l’expérience encore est votre meilleure amie.

  • Les accessoires indispensables (selon moi) :

    • un kit du potier (on le trouve sur tout les site de beaux-arts) qui contient tous les outils de base nécessaires.

    • une balance surtout lorsqu’on souhaite réaliser plusieurs fois le même objet, par exemple pour la réalisation d’une tasse je sais qu’il me faut 250grammes de terre, également utile pour préparer son émail à la bonne densité !

    • une tournette, un investissement mais vraiment très utile !

    • une planche en bois/mélaminé ou une table qui ne craint rien, j’ai recouvert ma planche de 50cmx50cm d”un tissus en coton, ça permet d’absorber l’eau de la terre lorsque je la travaille.

    • un rouleau à pâtisserie et des tasseaux de 5mm/3mm coupés à la taille de votre plan de travail pour tout le travail à la plaque.

  • Ce que je peux vous dire du haut de ma petite expérience :

    Rien n’est jamais raté, c’est la leçon que m’apprend la terre avec bienveillance. On peut toujours recycler, recommencer, tout écraser pour repartir sur le bon pied. Chaque moment de désespoir de voir que ça ne fonctionnait pas comme je le souhaitais, m’ a apporté un grand savoir, celui qui me souffle à l’oreille de faire différemment cette fois. Il faut faire une erreur une fois pour ne plus jamais la faire. L’expérience est la clef, je l’ai dis plein de fois je sais mais ça me semble fondamentale. Je vois à quel point d’une journée à l’autre de travail je gagne en dextérité en confiance dans mes geste que ce soit pour modeler, pour peindre ou pour émailler. Et là ou il y avait des cailloux dans ma chaussure c’est désormais des grains de sable qui me rappellent que j’ai encore beaucoup de petites et grandes choses à apprendre.

Pour finir ce billet, je voulais vous montrer mon petite atelier, installé cet été, avoir une pièce dédiée à la céramique c’est vraiment un luxe. Je ne vous cache pas que tout ranger et tout redescendre à ma cave après avoir travailler (je m’installais avant sur la table de ma cuisine), ça pouvait être démotivant lorsque je n’avais que quelques heures devant moi de disponible. Je suis très très bien installée dans cette pièce avec la vue sur la haie :). J’aménage petit à petit l’espace pour qu’il soit pratique, ma plus grande satisfaction : des rangs d’étagères, qui au delà d’être utiles m’ouvrent la perspective d’une plus grande production et d’un avenir en marche !

J’espère que ce billet vous a plus et vous sera utile, j’ai adoré l’écrire et partager tout ça !

Apolline ❃

 
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